mercredi 11 février 2009

Le site archéologique d’Alésia à Alise-Sainte-Reine (Côte d’Or)



   Par cet article, je n’entends pas révolutionner les connaissances acquises sur le site majeur qu’est Alésia, mais dégrossir et résumer les éléments importants que nous pouvons retenir, pour que ce site ne passe pas seulement pour le lieu où se sont affrontés Vercingétorix et César.

   Alise Sainte Reine porte aujourd’hui ce nom parce qu’une jeune femme chrétienne, Reine, se serait faite martyriser aux débuts de l’ère chrétienne en ces lieux. Cependant, ce petit village de Côte d’or n’a pas toujours porté ce nom, et il existait bien avant la romanisation, aux alentours de 4000 avant J-C.

   La romanisation s’effectue en effet après le siège datant de 52 av. J-C. Il convient donc d’évoquer ce tournant majeur dans l’histoire de France.

   En 52 avant J-C, César, alors imperator (gouverneur), a pour projet de romaniser la Gaule entière, c’est-à-dire la Belgique, l’Aquitaine et la Gaule celtique. Depuis plusieurs années, il mène la guerre des Gaules, qu’il transcrira dans ses Commentaires, très utiles pour nous aider à replacer les évènements et les lieux (livre VII).Cependant, un jeune chef arverne lui tient tête, Vercingétorix, en tête d’une coalition menée par les Carnutes. Après avoir remporté des succès importants, à Sens, Orléans, Bourges, >puis défait une armée gauloise devant Lutèce, César subit une grave défaite à Gergovie face à Vercingétorix. Ce dernier est alors officiellement désigné chef des Gaulois à Bibracte. César décide de battre en retraite vers la Gaule Narbonnaise, ex Gaule transalpine, dans le Sud de la France, entre le lac Léman et Lugdunum (Lyon).
   Vercingétorix profite de ce repli pour l’attaquer de front, mais la bataille tourne à son désavantage. Il a alors pour stratégie d’emmener ses 80000 hommes à l’abri sur l’oppidum d’Alésia, là où il se croit en sûreté. En effet, il s’agit d’un mont protégé par des falaises d’une trentaine de mètres de haut et encerclé d’eau. Les troupes de Vercingétorix s’imaginent imprenables.
   César arrive le lendemain avec ses 60000 hommes ; une place forte, un sous-effectif, la lutte semble inégale.

   C’est sans compter sur l’ingéniosité des soldats romains. César va mettre en place une stratégie militaire infaillible. Il va ériger deux lignes de fortifications, communément appelées contrevallation et circonvallation. La contrevallation est une ligne qui va encercler le mont afin d’empêcher les troupes de Vercingétorix de sortir. La circonvallation, plus large et tournée vers l’extérieur, va permettre de repousser d’éventuelles armées de renfort, ainsi que le ravitaillement des Gaulois. Ces fortifications se composent de larges fossés (6 m de large et 2 m de profondeur), et sont agrémentées de nombre de tourelles en bois pour accentuer la surveillance. En arrière des fossés, des remparts de terre et de bois évitent l’escalade, avec parapets, merlons et branches fourchues. Evidemment, les troupes adverses vont tenter de lancer des attaques pour contrer les travaux, en vain.

   Le siège dure un long mois, éprouvant pour les Gaulois, qui n’ont pas de renfort d’hommes ni de ravitaillement. Les non combattants sont expulsés et meurent de faim. L’armée de secours de 250000 hommes arrive plus d’un mois après le début du siège, mais sans succès. Les fortifications romaines sont décidément bien meurtrières. Une faille est trouvée au pied du Mont Réa. S’en suit un long massacre qui faillit tourner à l’avantage des Gaulois, mais la cavalerie romaine achève de dérouter les renforts.
   Vercingétorix et le reste de ses hommes se rendent le lendemain. Le siège aura duré au total plus de 2 mois, en août et septembre, et aura engagé plus de 400000 hommes. Par rapport à la topographie, il est intéressant de remarquer que le siège s’est étendu sur une surface de 7000 hectares, autour du Mont Auxois, et qu’il a recouvert l’emplacement de 8 communes actuelles.


   Après la romanisation, Alésia devient une petite ville gallo-romaine typique. Le peuple des Mandubiens, presque tous morts après le siège, est assimilé au reste des Lingons, peuple alors en présence sur le territoire. Forte de structures civiles, économiques et sociales, la ville va perdurer jusqu’à la fin de l’époque romaine, puis devenir une bourgade médiévale et transformer son nom en souvenir de Sainte Reine.

   Il faut savoir que seul 1/6ème du site a été fouillé depuis 1905. C’est pourquoi l’association Pour Alésia (www.pour-alesia.com) et le futur parc archéologique ont une fonction vitale pour la pérennisation des découvertes sur ce site majeur de l’histoire de France.
   Les fouilles se sont étalées en plusieurs grandes campagnes. Une de 1861 à 1865, sous Napoléon III, féru d’archéologie, qui fit des sondages et fit ériger une statue censée représenter Vercingétorix, une à partir de 1905, beaucoup plus scientifique, par la Société des Sciences Historiques et Naturelles de Semur-en-Auxois, et enfin une grande campagne entre 1991 et 1997, dirigée par messieurs Reddé et vonSchnurbein . Les fouilles continuent de manière régulière.
Les fouilles se sont effectuées principalement par sondages et prospections, mais la photographie aérienne nous a aussi apporté beaucoup d’éléments. Le camp C de la légion romaine par exemple a été clairement identifié par ce moyen. Il faut rendre hommage au père de la photographie aérienne archéologique bourguignonne, René Goguey.

   La statue de Vercingétorix est sujette à polémiques. La rumeur raconte qu’elle représenterait les traits du neveu de Napoléon III ou de Napoléon III lui-même. Quoiqu’il en soit, cette statue est certes impressionnante, imposante et appréciable, mais complètement dénaturée par rapport au réel équipement guerrier que portaient les soldats gaulois. Il porte par exemple des bandes molletières franques. Elle dénote en tous cas cette fierté française qui consistait à trouver une figure de proue pour symboliser la résistance et la bravoure face à l’ennemi.
Les fondations, statues et restes de la ville sont visitables, mais seulement la moitié des fouilles sont visitables.

   Le centre politique de la ville est représenté par une basilique. La basilique gallo-romaine n’a pas la même signification que la basilique chrétienne. Il s’agit d’une sorte de tribunal où se déroulaient des jugements et des conseils politiques. A Alésia, cette basilique est assez simple, composée d’un vaisseau central, et flanquée de 3 exèdres (espaces semi circulaires). Deux exèdres de tribunaux au Nord et au Sud, et une curie (salle de réunion du conseil) sur le côté. Elle date du IIème siècle et a été édifiée par dessus des bâtiments dont on discerne encore les fondations.

   Le forum était un lieu politique, économique et social central. Ce terme est encore employé actuellement pour identifier un point de rencontres et de débats, notamment sur Internet. Sorte de grande place rectangulaire, il était en général enceint d’une colonnade à péristyle et bordé de galeries marchandes couvertes. Lieu de passage intense, il regroupait la population qui discutait et commerçait.    A Alésia on a effectivement des traces de bâtiments correspondant à des édifices marchands sous galeries couvertes.

   Les centres religieux sont divers. Un temple du Ier siècle dédié à Taranis (équivalent gaulois de Jupiter) se trouvait à côté de la basilique. Il ne nous en reste que les 3 murs de fondation de la cella(espace de culte), et des ex-voto (objets d’offrandes) en forme de rouelles, symbolisant la foudre, attribut de Jupiter maître des cieux. Il était construit sur podium et devait comporter une façade à 4 colonnes. Au IIème siècle, il aurait été agrémenté d’une galerie sur 3 côtés.
   Egalement connexe à la basilique, nous avons retrouvé le fronton d’une petite chapelle qui arbore un tympan décoré représentant une femme entourée de deux Eros. C’est pourquoi cette chapelle fut baptisée « chapelle de la déesse aux Amours ».
   Nous avons aussi des restes de statuaire destinés au culte de la déesse orientale Cybèle, et des manifestations de cultes familiaux propres à chaque maisonnée.
   A partir de l’ère chrétienne, on dédie le site d’Alésia à Sainte Reine, martyrisée au IIIème siècle. Une basilique va lui être attribuée au Vème siècle. Aujourd’hui encore, cette sainte est fêtée lors de manifestations locales.

   Le théâtre est le principal espace social demeurant à Alésia. Il s’agissait d’un des loisirs favoris du peule, importé de la culture romaine. De forme semi-circulaire, il présente une cavea (gradins) en bois, une orchestra (aire plane entourant la scène), la scène en elle même où se déroulait le jeu, et un ensemble de murs cloisonnant la scène pour faire intervenir des jeux de marionnettes et autres. Nous ne voyons plus les gradins car le bois disparaît avec les siècles, et l’utilisation de la pierre était beaucoup plus onéreuse. Il date du Ier siècle et pouvait accueillir 5000 spectateurs.

   Les habitats et les zones artisanales : le monument d’Ucuetis était le siège de la corporation des bronziers, et le sanctuaire d’Ucuetis et Bergusia. On a retrouvé des outils de travail du métal et un vase votif en bronze. L’architecture était de pierre et de bois avec piliers à consoles supportant les poutres.
Des zones habitables, il ne subsiste que des fondations et des substructions (caves, puits…). Une quinzaine de petites structures constituées d’une plaque de calcaire supportée par des piliers verticaux avec traces de foyers en dessous de la plaque ont été retrouvées. On ne sait pas encore s’il s’agit de fours de bronziers, de petits dolmens ou de fours de boulangers.
Nous avons retrouvé les caves qui servaient à conserver les denrées et des statuettes votives y ont été découvertes. Nous avons aussi les restes d’une maison à hypocauste, technique romaine qui permettait de chauffer par le sol, grâce à des petites briques verticales diffusant la chaleur (voir le site de la villa d’Andilly en Haute Marne).

   Il reste encore de nombreuses zones d’ombres à éclaircir, notamment sur les autres périodes d’occupation du site. La fouille de la zone d’En Curiot a commencé à apporter des éléments sur les modes de vie celtiques d’Alésia, mais il faut pousser la recherche. De même concernant la découverte de tombes mérovingiennes. La diversité de ce site et le poids historique qu’il supporte en font sa richesse. Il ne tient qu’aux passionnés et amateurs de faire revivre ces différentes époques mêlées au travers de travaux de recherche toujours plus rigoureux et de manifestations culturelles toujours plus exaltantes.



Noëmie Chaudron