lundi 23 février 2009

La chapelle du Saulce d'Island (89)


Localisation…


La chapelle du Saulce d’Island se situe sur le territoire de la commune d’Island, petite localité distant de quelques kilomètres du bourg de Pontaubert et de la ville d’Avallon, à l’extrémité sud du département de l’Yonne. Cette chapelle doit son nom à la commanderie templière à laquelle elle appartenait. Elle demeure en effet le seul vestige visible de l’ancienne commanderie qui s’était établie à cet endroit.

C’est au terme d’un chemin de terre que vous rencontrerez cette chapelle templière dans un lieu isolé se nommant la ferme du Saulce.

La situation écartée de cet ancien lieu de culte, au sud de la route départementale 957 qui relie ente elles les villes d’Avallon à Vézelay, l’a plongée pendant très longtemps dans un anonymat quasi complet. Aujourd’hui encore sa valeur architecturale reste méconnue des autochtones.

Elle n’a cependant pas toujours été aussi isolée que l’environnement actuel ne le suggère. Une route ancienne passait à proximité de la commanderie durant les périodes médiévale et moderne.


Un peu d’histoire…


La présence des Templiers au Saulce d’Island est attestée de manière indirecte par une charte souscrite entre 1192 et 1200 par le comte Pierre de Nevers en faveur de l’abbaye de Régny, ou le précepteur de la maison du Saulce, Girard, apparaît en tant que témoin.(1)

Mais l’acte le plus ancien qui est conservé et qui évoque spécifiquement cette commanderie est bien plus tardif puisqu’il date de 1308. Il s’agit de la confirmation d’Eudes, duc de Bourgogne, de la donation qu’a faite aux Templiers du Saulce d’Island, son vassal, Pierre d’Armance, du droit de mouture gratuite à son moulin d’Island, et d’un de ses serfs nommé Jean.(2)

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Placée sous le nom de saint Jean-Baptiste du Saulce d’Island, la chapelle faisait partie d’une importante commanderie templière qui comptait plusieurs bâtiments.


Le bâti…


L’extérieur.


De plan rectangulaire, la chapelle ne comprend qu’un vaisseau unique très élancé, long de 24 mètres, large de 8m.50, terminé par un chevet plat. La façade principale est épaulée à l’angle nord-ouest par un contrefort, et à l’angle opposé elle est flanquée d’une tourelle d’escalier hors œuvre, à sept pans. Cette façade pignon est percée d’une porte, dont l’arc en tiers point s’encadre d’une double archivolte avec tores en amande. L’archivolte extérieure est reçue sur deux masques. L’un est une tête d’homme, l’autre une tête de femme avec coiffe à mentonnière. L’archivolte intérieure retombe, de part et d’autre, sur trois colonnettes couronnées de chapiteaux au feuillage très découpé. Leurs bases, dépourvues de scoties, prennent appui sur des socles prismatiques. Le tympan a conservé son décor sculpté presque intact, seul le visage de la Vierge a disparu.(3)


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Il représente donc la Vierge assise de face tenant l’Enfant-Jésus sur ses genoux, aux pieds de laquelle s’agenouillent deux hommes de profil, sans doute des donateurs nous dit Jean Radot-Valléry.(4)



Raymond Oursel qui fait preuve de la même incertitude quant à l’identité de ces deux personnages : « Au tympan du portail principal, deux personnages drapés dans de longues robes et coiffés de bonnets ronds –des chevaliers du Temple, qui sait ? – s’agenouillent devant la Vierge qui leur présente son Enfant ; ils admirent la Fleur de Jessé en de grands gestes déclamatoires. ».(5)



Selon toute vraisemblance, il s’agirait de deux templiers.

Un point très important doit être observé à propos de ce tympan. En effet, si l’on examine avec attention la partie inférieure de ce dernier, on remarquera qu’il ne repose pas sur un linteau. En fait il n’y en a pas, il semble ne pas fusionner avec l’architecture générale du porche.



Cet atypisme nous autorise à penser que ce tympan a subi des aménagements ou bien qu’il n’est pas contemporain du reste de la chapelle. Peut-être proviendrait-il d’une chapelle primitive qui se trouvait à l’emplacement de la chapelle actuelle et a été remployé dans cette dernière. Ceci est renforcé par le fait qu’il perdure un écart de temps entre la période de construction de la chapelle et la période d’établissement des premiers templiers. Comme nous l’avons vu plus haut, la présence templière est attestée à la fin du XIIème siècle, et très probablement étaient-ils déjà installés en ce lieu quelques décennies plus tôt, alors que le style architectural de la chapelle accuse le XIIIème siècle, un siècle les sépare donc. On a tout lieu de penser qu’une chapelle, sans doute de style roman, devait faire partie de l’importante structure que constituait la commanderie du Saulce d’Island à la fin du XIIème siècle.

Mais revenons à notre description. Un porche disparu abritait tout cet ensemble (tympan et porte), comme nous le prouvent les corbeaux à encoches disposés au dessus de la porte et demeurés en place.

Sur les murs latéraux, contre-butés à chaque travée par des contreforts à talus avec larmier, un bandeau également profilé en larmier, souligne le départ des baies et se retourne sur les contreforts. Ces derniers sont au nombre de dix : un sur la façade occidentale, deux sur la façade orientale, trois sur le mur gouttereau méridional et quatre sur le gouttereau septentrional.(6)

Dans la partie supérieure des murs, la tablette abattue de la corniche est soutenue par des modillons très fins à pans coupés. Une petite porte en arc brisé, aujourd’hui murée, a été percée dans le mur nord, dans la travée intermédiaire. Sur son tympan plein se détache une croix à branches égales, la croix de Jérusalem. Une autre porte en anse de panier, également murée, ouverte dans la première travée sud, accuse quant à elle un style plus moderne. Entrons maintenant dans ce vaisseau.


L’intérieur.


L’intérieur de la nef se divise en trois travées, dont une devait servir de chœur. Ces trois travées carrées sont couvertes de voûtes sur croisées d’ogives encadrées par des arcs doubleaux. Leurs nervures très fines, sur lesquelles se profile un tore en amande réuni par des gorges à deux baguettes, retombent sur un faisceau de trois colonnettes engagées arrêtées au dessus du sol sur des consoles décorées de feuillages de masques, ou d’atlantes. Huit baies en tiers point, recoupées par un meneau prismatique à deux lancettes qui supportent une rose, ajourent les murs latéraux, ainsi que la façade et le mur du chevet. Celles de la façade et du chevet ont par ailleurs fait l’objet d’une restauration soignée. L’intérieure de la chapelle a beaucoup souffert d’altérations. Comme beaucoup d’autres chapelles abandonnées de l’ordre elle a servi de fenil et même d’écurie dans les années 1970.

Dans son article sur le Saulce-d’Island Jean Vallery-Radot a résumé de belle manière l’identité architecturale de la chapelle du Saulce d’Island : « Une construction particulièrement soignée, des proportions harmonieuses, la sobriété de la modénature et du décor, un style dépouillé d’une parfaite élégance, tout concoure à faire de cette ancienne chapelle des Templiers presque ignorée un charmant exemplaire du style de la fin du XIIIème siècle, qui mérite d’être mieux connu. »(7)


Cette chapelle est une propriété privée qui ne peut se visiter qu’avec l’accord des propriétaires.





Florent Tourneau



(1) QUANTIN, Maximilien, Cartulaire de l’Yonne, 3. vol. Auxerre, 1854-1873, vol. II, p.443. (1860).

(2) MOLARD, Francis, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Yonne Archives Hospitalières - Série H. Supplt. Tome IV, Auxerre, Albert Gallot, 1897. p.XIII-XIV.

(3) Voir Annexes photographiques.

(4) VALLERY-RADOT, Jean, « L’ancienne chapelle de la commanderie des Templiers du Saulce d’Island », in Congrès archéologique de France, Paris, Société française d’archéologie, 1959. t. CXVI, (p.298-301).

(5) OURSEL, Raymond, « Les églises des Templiers », in Archéologia, n° 27, mars avril 1969, p.35.

(6) Voir Annexes photographiques.

(7) VALLERY-RADOT, Jean, « L’ancienne chapelle de la commanderie des Templiers du Saulce d’Island », in Congrès archéologique de France, Paris, Société française d’archéologie, 1959. t. CXVI, (p.299-301).